L’affichage environnemental, score apposé sur les produits pour guider les achats des consommateurs vers des produits durables, va devenir petit à petit obligatoire en France.
Pour les articles d’habillement, l’obligation devrait entrer en vigueur dès 2025, une fois que la méthodologie officielle sera publiée et après une période d'affichage volontaire. En effet, la loi Climat et Résilience prévoit le déploiement sur tous les vêtements d’un score environnemental unique, basé sur des modalités de communication harmonisées et un référentiel précis de calcul de l’impact environnemental des produits textiles.
Pour construire cette méthodologie, un travail est mené depuis 2008 par l’ADEME et différentes parties prenantes du secteur. Un socle technique a été construit et plusieurs expérimentations ont été réalisées, la dernière s’étant terminée fin 2022. Cette expérimentation a permis de tester différentes méthodologies, afin de statuer sur la méthode finale.
Pour mieux comprendre à quoi ressemblera la méthodologie officielle choisie, retrouvez ici nos explications sur le principe de calcul et d’affichage du score environnemental pour les produits textiles, et un aperçu des méthodes actuellement soumises à évaluation.
Affichage environnemental en France : le socle technique de l’ADEME
L’affichage environnemental a pour objectif de donner au consommateur les moyens de prendre en compte l’impact environnemental au moment de son choix de produits. Il prend la forme d’un score rendant compte des principaux impacts environnementaux d’un produit, calculés sur l’ensemble de son cycle de vie.
Pour en savoir plus sur les objectifs, la chronologie du déploiement et le futur caractère obligatoire de l’affichage environnemental, vous pouvez consulter cet article.
Pour le moment, il s’agit d’un dispositif pouvant être affiché sur les produits sur la base du volontariat des marques. Pour qu’il puisse remplir ses fonctions, il n’en reste pas moins encadré : les marques qui choisissent de l’utiliser doivent se conformer au socle technique de l’ADEME.
L’agence de la transition écologique a en effet sélectionné et co-développé différents outils pour permettre un calcul harmonisé et fiable des scores d’impact :
- Des principes généraux, et un cadre méthodologique transversal à tous les produits : le Product Environmental Footprint (PEF) européen et le référentiel de bonnes pratiques de l’AFNOR (BP X30-323-0)
- Des référentiels sectoriels : ils indiquent, pour chaque famille de produit, comment les ACV (analyses de cycle de vie) doivent être menées (unité fonctionnelle, indicateurs retenus en fonction des enjeux environnementaux des produits, mode de calcul…). Nous approfondirons le référentiel textile dans la partie suivante et les documents de référence sont disponibles sur le site internet de la base Empreinte.
- Une base de données publique : Empreinte (auparavant Impacts). Elle renvoie les données génériques qui permettent de réaliser les ACV, par exemple l’impact moyen d’un matériau, d’un type d’énergie consommée, d’un mode de transport, etc.
- Des outils de calcul automatiques pour les secteurs pilotes : Ecobalyse pour les articles d’habillement. Il s’agit de rendre l’affichage environnemental accessible à toutes les entreprises des secteurs pilotes en leur facilitant l’évaluation de l’impact de leur produit.
Il suffit de renseigner quelques données clés (type de vêtement, masse, matières premières, pays de certaines étapes du processus de production) dans le simulateur pour obtenir son impact calculé selon les méthodes de référence à l’aide des données de la base Impacts (une liste d’impacts détaillés et le score agrégé PEF pour Ecobalyse). On parle d’approche semi-spécifique : c’est un calcul basé sur des données génériques/des moyennes, mais dont certaines informations peuvent être spécifiées pour affiner le résultat. - Une proposition de visuel : une charte graphique a été développée par l’ADEME pour rendre compte des impacts environnementaux des produits. Elle peut être téléchargée dans les documents transversaux disponibles sur le site internet de la base Empreinte. Elle propose plusieurs variantes plus ou moins compactes, avec plus ou moins de détail sur les différents indicateurs environnementaux selon la place disponible. Même dans le cas où seule la version agrégée est affichée, le consommateur doit toujours pouvoir accéder au détail des indicateurs, en vertu du principe de transparence.
Les contrôles réalisés sur l’affichage environnemental sont fait par la DGCCRF, dans le cadre de la lutte contre la publicité mensongère ou trompeuse. L’affichage environnemental se distingue en ce sens des labels (ex : Oeko-Tex), contrôlés par des organismes tiers agréés.
Evaluation des impacts environnementaux des articles d’habillement : le référentiel textile de l’ADEME
L’ADEME travaille depuis 2008 à la définition de méthodologies pertinentes par famille de produits avec les parties prenantes de chaque secteur (ex : habillement, alimentation, électrique et électronique).
Un groupe de travail a notamment construit un référentiel d’affichage environnemental pour le secteur textile et les articles d’habillement. Vous pouvez en consulter le détail dans les documents de référence sur la filière textile disponibles sur le site de la base Empreinte (Documents -> Base Impacts) mais nous synthétisons ici pour vous les éléments importants.
Indicateurs environnementaux retenus pour le calcul d’impact des textiles d’habillement
Un groupe de travail a identifié les 3 enjeux environnementaux les plus significatifs pour le secteur textile :
- le réchauffement climatique
- les conséquences sur l’eau, selon deux aspects : consommation et pollution par eutrophisation et écotoxicité aquatique
- la consommation de ressources naturelles non renouvelables et d’énergie
L’étude menée a abouti à la sélection en 2016 des 3 indicateurs suivants pour la méthode d’affichage environnemental de l’ADEME :
- Emissions de gaz à effet de serre (en kg éq. CO2) - indicateur commun à tous les produits, textiles ou non
- Eutrophisation (en kg. éq. phosphore)
- Consommation d’eau (en m3)
L’ADEME a aussi choisi les règles de calcul pour ces indicateurs.
Enfin, le gouvernement a indiqué en mars 2023, dans une communication sur les orientations du travail méthodologique, que les 8 critères d’impact suivants sont étudiés pour le futur score environnemental :
- la consommation d’eau
- la durabilité physique des textiles
- les conditions de production
- l’utilisation de pesticides et produits chimiques
- le rejet de micro-plastiques
- la valorisation des matières recyclées
- la valorisation des textiles reconditionnés
- l’impact de la fast fashion
Suite aux avancées méthodologiques réalisées, Ecobalyse, l’outil de calcul d’impact automatique construit à partir du socle technique de l’ADEME, prend désormais en compte 16 indicateurs environnementaux tirés du référentiel ADEME et du PEF, ainsi que 2 indicateurs complémentaires permettant de mieux capturer les impacts des vêtements (micro-plastiques et traitement en fin de vie hors UE).
Etapes du cycle de vie prises en compte dans l’ACV des vêtements
Le groupe de travail a modélisé le cycle de vie des vêtements et a établi que la méthodologie de calcul d’impact des articles d’habillement devrait prendre en compte les étapes suivantes :
- Production des matières premières (élevage/culture/extraction et production des fibres)
- Production et fin de vie de certains accessoires (ex : fermetures éclair)
- Production et fin de vie des emballages
- Fabrication des vêtements (filature, ennoblissement, tissage, tricotage, confection)
- Transport des articles entre les étapes de fabrication
- Transport des articles du lieu de confection jusqu’au magasin
- Utilisation : lavage, séchage, repassage
- Fin de vie (élimination, réemploi, recyclage)
Choix méthodologiques réalisés pour le calcul d’impact des articles d’habillement
Des choix ont été faits en ce qui concerne les données servant de base pour les calculs. Par exemple :
- L’unité fonctionnelle (à l’échelle de laquelle sont effectuées les ACV) est “un article d’habillement porté et entretenu” et son système d’emballage, tel qu’il a été fourni au consommateur.
- La durée d’utilisation de référence (servant de donnée d’entrée pour l’ACV) est modélisée en fonction du nombre de cycles d’entretien, qui diffèrent par catégorie de vêtements (50 cycles contre un t-shirt, 30 pour un pull, 2 pour une écharpe).
- Des tailles de référence ont été fixées pour les femmes (38), les hommes (L) et les vêtements d’enfants ont été segmentés par âges et standardisées à 6 mois, 4 ans, 10 ans. Si l’entreprise souhaite effectuer un calcul pour une autre taille, elle doit appliquer un facteur correctif en % de la masse de l’article.
- Le calcul de l’impact de la fin de vie d’un vêtement est fait à partir de la répartition moyenne des vêtements en fin de vie entre le réemploi, l’effilochage, l’incinération, l’enfouissement…
- Trois types de données sont utilisées lors des calculs d’ACV :
- Des données dites génériques, fixées à partir de moyennes, par exemple la consommation d’électricité des machines à laver des consommateurs.
- Des données dites semi-spécifiques, où une valeur par défaut est aussi utilisée, mais avec un niveau de précision supérieur provenant d’une information spécifique sur le produit renseignée par l’opérateur. Par exemple, renseigner le pays où est réalisé une étape de fabrication permet d’utiliser dans le calcul le mix énergétique générique du pays en question.
- des données dites primaires, ou spécifiques, obtenues à partir de mesures directes (ex : composition du produit).
Pour en savoir plus sur les questionnements pouvant émerger des choix et arbitrages méthodologiques réalisés lors de la conception de l’affichage environnemental, nous vous invitons à lire notre article dédié.
L’appel à projets Xtex : expérimentation de propositions de méthodologies d’affichage environnemental alternatives
En 2021, l’ADEME a lancé l’appel à projets Xtex à la suite de la loi Climat et Résilience, dont l’article 2 prévoit un affichage environnemental et une expérimentation qui serviront à statuer sur une méthode. L’objectif est de permettre aux parties prenantes de proposer des méthodologies alternatives au socle technique ADEME pour le secteur textile.
Pour anticiper l’affichage environnemental obligatoire, il est intéressant de se pencher sur cet appel à projets, car les propositions retenues et étudiées sont le support du choix de méthode par les pouvoirs publics.
Les critères de l’appel à projet Xtex
Pour être éligibles à une participation à l’expérimentation Xtex, les propositions de méthodologie devaient obligatoirement se conformer aux conditions suivantes :
- Elles doivent comprendre la description précise :
a. de leur approche multi-critères et multi-étapes permettant de calculer par l’ACV la performance environnementale du produit, en rendant compte de ses impacts environnementaux significatifs, selon les normes ISO 14040 et ISO 14044.
b. du mode d’affichage de la performance environnementale au consommateur, via un score ou une note qui doit notamment indiquer les émissions de gaz à effet de serre. - Trois entreprises différentes doivent s’engager à tester la méthodologie en conditions réelles si elle est sélectionnée, et à réaliser par la suite un rapport pour l’ADEME.
L’appel à projet comporte d’autres critères facultatifs : la conformité avec d’autres normes ISO de communication environnementale (ISO 14025 ou ISO 14027), la possibilité de prendre en compte des indicateurs qualitatifs si cela est justifié et pertinent ou l’intégration de tests consommateurs.
Les méthodologies retenues pour l’expérimentation Xtex
En janvier 2022, l’ADEME a publié la liste des 11 méthodologies alternatives retenues :
Une méthodologie est aussi développée en parallèle par Ecobalyse et la Fabrique Numérique de l’Ecologie.
Les méthodes faisant partie de l’expérimentation proposent - en plus des ACV du socle technique - des indicateurs additionnels qu’elles estiment pertinents pour un score plus représentatif de l’impact environnemental des vêtements (ex : éco-conception, micro-plastiques, efforts de traçabilité, impact social, certifications et labels).
Après des études de cas, les résultats des tests de ces méthodes sont en cours d’analyse et un rapport sera remis au Parlement prochainement, dont nous vous tiendrons informés du contenu.
Cela ouvrira une période de délibérations et ajustements sur la méthode, de développement des outils permettant son déploiement, et de tests. Un décret sera ensuite publié rendant l’affichage environnemental progressivement obligatoire.
Fin 2023, contrairement à ce qui avait été annoncé par le gouvernement, le décret n'a toujours pas été publié, ce qui retardera probablement la mise en oeuvre de la méthodologie officiel de l'Eco-score textile.
Conclusion : l’affichage environnemental, un dispositif basé sur des partis pris
L’affichage environnemental deviendra obligatoire d’ici 2025 en France, après un long travail des pouvoirs publics et des parties prenantes, qui le co-construisent depuis 2008.
Mais l’adoption d’une méthodologie suppose des arbitrages et partis pris, qui peuvent faire l’objet de débats. Pour exprimer leur inquiétude sur les choix qui pourraient être faits par les pouvoirs publics, 5 acteurs de l’évaluation environnementale (La Belle Empreinte, Clear Fashion, Green Score Capital, Goodfabrics et ECOEFF LAB) ont publié une tribune début mars dans Le Monde.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à consulter cet article qui récapitule les débats sur les choix méthodologiques à faire lors de la conception du score environnemental sur les articles d’habillement.